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La petite fille qui ne trouvait jamais les mots pour se dire
La petite fille qui ne trouvait
jamais les mots pour se dire
Il était une fois une petite fille qui ne trouvait jamais
les mots pour dire ce qu'elle ressentait.
Chaque fois qu'elle tentait de s'exprimer de traduire
ce qui se passait à l'intérieur d'elle,
elle éprouvait une sorte de vide.
Les mots semblaient courir plus vite que sa pensée.
Ils avaient l'air de se bousculer dans sa bouche
mais n'arrivaient pas à se mettre ensemble pour faire une phrase.
Dans ces moments là,
elle devenait agressive, violente, presque méchante.
Et des phrases toutes faites, coupantes, cinglantes sortaient de sa bouche.
Elles lui servaient uniquement à couper la relation qui aurait pu commencer.
D'autres fois,
elle préfèrait s'enfermer dans le silence avec ce sentiment douloureux.
Que de toute façon personne ne pouvait savoir ce qu'elle ressentait,
qu'elle n'y arriverait jamais.
Que les mots ne sont que des mots.
Mais tout au fond d'elle même,
elle était malheureuse désespèrée,
vivant une véritable torture à chaque tentative de partage.
Un jour elle entendit un poète qui disait à la radio
il y a chez tout être humain un chemin
des mots qu'il appartient à chacun de trouver
Et dès le lendemain la petite fille décida de partir sur le chemin des mots
qui était à l'intérieur d'elle.
La première fois où elle s'aventura sur ce chemin,
elle ne vit rien.
Seulement des cailloux, des ronces, des branchages,
des orties et quelques fleurs piquantes.
les mots du chemin des mots semblaient se cacher, paraissaient la fuir.
La seconde fois,
le premier mot qu'elle vit sur la pente d'un talus fut le mot
OSER.
Quand elle s'approcha ce mot osa lui parler.
Il dit d'une voix exténuée
veux tu me pousser un peu plus haut sur le talus?
Elle lui répondit
je crois que je vais te prendre avec moi
et que je vais t'emmener très loin dans ma vie.
Une autre fois elle découvrit que les mots étaient comme des signes
sur le bord de ce chemin
et que chacun avait une forme différente et un sens particulier.
Le deuxième mot qu'elle rencontra fut le mot VIE.
Elle le ramassa, le mit contre son oreille.
Tout d'abord elle n'entendit rien, mais en retenant sa respiration,
elle perçut comme un petit chuchotement
je suis en toi, je suis en toi
et plus bas encore
prends soin de moi,
mais là elle ne fut pas très sûre d'avoir bien entendu.
Un peu plus loin sur le chemin des mots,
elle trouva un petit mot tout seul,
recroquevillé sur lui même,
tout frileux comme s'il avait froid.
Il avait vraiment l'air malheureux ce mot là.
Elle le ramassa, le réchauffa un peu,
l'approcha de son coeur et entendit un grand silence.
Elle le caressa et lui dit
Comment tu t'appelles toi?
et le petit mot lui dit d'une voix nouée :
Moi je suis le mot SEUL.
Je suis vraiment tout seul.
Je suis perdu, personne ne s'intéresse à moi, ni se s'occupe de moi
Elle serra le petit mot contre elle,
l'embrassa doucement et poursuivit sa route.
Près d'un fossé sur le chemin des mots,
elle vit un mot à genoux, les bras tendus.
Elle s'arrêta ,
le regarda et c'est le mot qui s'adressa à elle
je m'appelle TOI lui dit-il
je suis un mot très ancien mais difficile à rencontrer
car il faut me différencier sans arrêt des autres.
la petite fille le prit en disant
j'ai envie de t'adopter, toi, tu seras un bon compagnon pour moi
Sur le chemin des mots elle rencontra d'autres mots
qu'elle laissa à leur place.
Elle chercha un mot tout joyeux, tout vivant.
Un mot qui puisse scintiller dans la nuit de ses errances et de ses silences.
Elle le trouva au creux d'une petite clairière.
Il était allongé de tout son long,
paraissait détendu, les yeux grands ouverts.
Il avait l'air d'un mot tout à fait heureux d'être là.
Elle s'approcha de lui, lui sourit et lui dit
c'est vraiment toi que je cherchais,
je suis ravie de t'avoir trouvé.
Veux tu venir avec moi?
Il répondit :
bien sûr, moi aussi je t'attendais...
Ce mot qu'elle avait trouvé était le mot
VIVRA.
Quand elle rassembla tous les mots
qu'elle avait cueillis sur le chemin des mots ,
elle découvrit avec stupéfaction qu'ils pouvaient faire la phrase suivante:
Ose ta vie, toi seule la vivra
elle repêta plus lentement
ose ta vie, toi seule la vivra
Depuis ce jour la petite fille prit l'habitude
de se promener sur le chemin des mots,
elle fit ainsi des découvertes étonnantes
et ceux qui la connaissent furent très surpris d'entendre
tout ce que cette petite fille avait à l'intérieur d'elle.
Ils furent étonnés de toute la richesse
qu'il y avait dans une petite fille très silencieuse.
Ainsi se termine le conte
de la petite fille qui ne trouvait jamais les mots pour se dire.
Jacques Salomé :
Contes à aimer, contes à s'aimer
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